Taha Bouhafs, cela ne vous dit rien ? Vous êtes alors passé à coté de l’actualité depuis plusieurs semaines, voire plusieurs années. Et pourtant, Taha Bouhafs jouit d’une popularité à gauche, d’abord sur les réseaux et désormais dans les médias. Journaliste-militant, engagé à gauche, Taha Bouhafs est apparu sur la scène médiatique sans le vouloir, dans « l’affaire Benalla ». Son nom circulait pour représenter le parti de Jean-Luc Mélenchon, La France Insoumise, aux législatives 2022. Mais une affaire d’harcèlement sexuel vient fracasser les rêves politiques du militant. Dépeint comme un activiste par les médias, comme « islamophobe-gauchiste » par ses détracteurs. Soutenu sur les réseaux sociaux par une mouvance progressiste, il profite d’un certain succès littéraire avec son dernier livre « ceux qui ne sont rien ». Mais l’ascension du jeune homme vient d’être bouleversée par le Bouhafs Gate. Voici le parcours de Taha Bouhafs et l’actualité récente le concernant.
Taha Bouhafs, ses débuts
Qui est Taha Bouhafs ? Ce jeune homme qui a aujourd’hui 25 ans est né en Algérie, dans la ville d’Aïn Beïda, le
Pour revenir à Taha Bouhafs, il arrêtera sa scolarité au lycée pour faire divers métiers alimentaires, avant de se lancer en politique. En 2016, il manifeste contre la loi travail. L’année suivante, le jeune homme a 20 ans et sera présenté aux législatives par LFI, dans la 2eme circonscription de l’Isère. Il sera tout d’abord en concurrence avec le Parti communiste, qui grappille de précieuses voix à Jean-Luc Mélenchon depuis plusieurs années. Cette concurrence touchera son paroxysme durant la campagne présidentielle de 2022, quand Taha Bouhafs se montrera très critique envers Fabien Roussel, le candidat du PCF.
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Activiste, journaliste et militant
Si la carrière politique de Taha Bouhafs commence doucement, elle s’accompagnera d’une force numérique sur les réseaux sociaux et petit à petit dans les médias mainstreams. Une mise en lumière presque accidentelle. Ses premiers faits d’armes se passent dans la rue, lors de manifestations. Il manifestera contre la loi sur l’université à Tolbiac. Et il donnera à ses adversaires des cartouches pour l’attaquer. Durant cette manifestation, on peut voir le jeune militant insulter les policiers en face de lui. Pas encore officiellement journaliste, il relayera une fake-news, celle d’un étudiant soit)disant blessé par les forces de l’ordre. Malgré un début en politique compliqué, le mouvement de Jean-Luc Mélenchon l’avait soutenu, tandis que ses adversaires s’étaient donné à coeur joie pour pointer ses erreurs. C’est durant cette période que Taha Bouhafs jonglera autant avec le journaliste que la politique.
La vidéo d’Alexandre Benalla
Emmanuel Macron élu, Taha Bouhafs continu plus que jamais son combat politique. Et sa notoriété va exploser durant la manifestation habituelle du 1er mai. Pas le jour même, puisqu’on apprendra plus tard que c’était Alexandre Bennalla qui était filmé entrain de bousculer un manifestant, place de la Contrescarpe. Avec son téléphone portable, c’est donc Taha Bouhafs qui filmera l’ancien garde du corps d’Emmanuel Macron en train d’interpeller avec brutalité un individu. En diffusant la vidéo, il dénoncera simplement les violences policières. Mais un journaliste remarquera que c’est bien Alexandre Benalla sur la vidéo.
Militant politique, Taha Bouhafs devient malgré lui lanceur d’alerte et journaliste de facto militant. Il se définira lui-même comme « journaliste des luttes ». Un mélange des genres, qui est finalement devenu courant en France. Dans les médias, on retrouve désormais la pensée de droite souverainiste à CNEWS, une droite libérale sur BFMTV ou encore une gauche progressiste sur France Inter. Finalement, Taha Bouhafs ne serait-il qu’un journaliste de plus à gauche, qui assume à visage découvert ses convictions ? Sur internet et plus particulièrement sur Twitter, il gagne en notoriété. Il sera même invité par Cyril Hanouna, reçu comme une véritable personnalité importante, puisque les chroniqueurs ne pourront pas lui poser de questions durant son passage. Face à Cyril Hanouna, il déclare : « Je n’ai pas le bac, je suis un “rebeu”, je viens de la banlieue et je continuerai à faire du journalisme « d’en bas ».
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Taha Bouhafs : la pensée d’une nouvelle gauche ?
Taha Bouhafs est désormais une personnalité politique et médiatique. Il sera donc deux fois plus attaquable par adversaires, qui ne vont pas s’en priver. Politiquement, Taha Bouhafs fait partie d’une mouvance de gauche progressiste, qu’on appelait « indigéniste » il y a encore quelques années. En somme, une idéologie qui défend une certaine partie de la population en fonction de leur origine. Les détracteurs de La France Insoumise reproche en effet à ce parti politique d’avoir oublié les travailleurs précaires et les ouvriers, au profit des jeunes de banlieue d’origine étrangère ou de confession musulmane. Et Taha Bouhafs donnera parfois raison à ses opposants. Il fera de la lutte contre l’islamophobie une de ses priorités, avec la dénonciation des violences policières dans les quartiers. À travers son soutien pour le collectif d’Adama Traoré, Taha Bouhafs s’occupera de la frange sociétale des quartiers populaires de LFI. Les autres militants Insoumis, comme François Ruffin ou Mathilde Panot, parleront plus aux déclassés et aux ouvriers, sur les questions sociales et économiques.
Comité Adama et manif contre l’islamophobie
Taha Bouhafs est donc une force de pensée sociétale pour LFI. Si des députés comme François Ruffin arrivent encore à parler aux « petits gens » de province, Taha Bouhafs parle surtout à tous les banlieusards, souvent éloignés ou désintéressés de la politique. Il n’est donc pas étonnant de le voir soutenir activement le comité d’Assa Traoré, la soeur d’Adama Traoré, un jeune homme décédé en 2016 dans des circonstances encore étudiées par la justice. En juin 2020, Taha Bouhafs participera à une manifestation interdite, initiée par le collectif « Vérité pour Adama », qui avait pour objectif de dénoncer les violences policières. Le lendemain, une certaine Lynda Kebbab, déléguée d’un syndicat de police, sera invitée sur France Info pour commenter cette manifestation. Elle critiquera vivement le collectif Adama et accusera Assa Traoré de revenir sur la mort de George Floyd aux États-Unis pour dénoncer les violences policières en France. C’est alors que Taha Bouhafs prendre la défense de son amie Assa Traoré, en traitant Lynda Kebbab « d’arabe de service ». Une déclaration qui lui vaudra une condamnation pour injure raciste.
Taha Bouhafs naviguera entre le journalisme de terrain, l’activisme et un combat politique fort. Sa présence à la manifestation contre l’islamophobie en 2019, sera une nouvelle fois très critiquée par ses adversaires. « Ce n’est pas les musulmans qui posent problème en France, c’est Emmanuel Macron ! » lancera Taha Bouhafs aux manifestants. Du centre gauche à la droite conservatrice, les politiques ont été vent debout face à ses propos et cette manifestation dans son ensemble. Les arguments tenaient sur la participation de certaines personnalités, jugées proches des Frères Musulmans. On retrouvait Mariem Sabil, ancienne responsable juridique du CCIF ou encore Marwan Muhammad. Gérald Darmanin accusant de « propagande » islamiste cette association, elle sera dissoute en 2021, à l’initiative du ministre, par le Conseil d’Etat.
Charlie, dîner du Crif… Taha Bouhafs en dérapage incontrôlé sur Twitter ?
Vous pouvez être attaqué en politique pour plusieurs raisons. Globalement, on retrouve les querelles entre les partis, les mauvaises rumeurs, les influences, la « politique politicienne » pour reprendre l’expression du politologue François Dieu. Mais parfois, les politiques tendent le bâton pour se faire battre, aux élections et en débat. Et c’est difficile pour Taha Bouhafs de se défendre, lorsqu’on lui rappelle certains tweets publiés.
Alors que Twitter et le réseau de l’instantanéité, du jugement à chaud, presque de l’instinctif, voici que vos tweets et donc vos prises de position, deviennent éternelles. C’est la problématique qu’a rencontré et que rencontre toujours le jeune militant Insoumis. Des tweets polémiques que nous ne publierons pas, puisque Taha Bouhafs semble agacé par ses rappels. Cependant, il est facile de les retrouver sur le web, tant ses adversaires s’en servent à foison pour contrer facilement ses idées. On pense tweet jugé antisémite, pour avoir sous-entendu que Benoît Hamon n’était pas idéologiquement antisioniste pour « être invité au Dîner du Crif » (Conseil représentatif des institutions juives de France). Une insulte envers les juifs ? De la provocation ? Une pensée antisémite ? On pense également à un tweet jugé très peu Charlie. Des pensées instinctives devenues éternelles, qui suivront Taha Bouhafs tout au long de sa carrière politique.
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Taha Bouhafs devait faire campagne à Vénissieux
Après l’échec de Jean-Luc Mélenchon à la présidentielle de 2022, La France Insoumise ne perd pas de temps pour se replacer en challenger pour les législatives. Un troisième tour où le tribun exhorte ses millions d’électeurs de le nommer Premier ministre. Pourtant, cela semble compliqué, même si les communistes et les Verts semblent être prêts à s’effacer pendant quelques semaines pour l’Insoumis. Le PS en décrépitude y va aussi à reculons pour tenter une alliance dans cette bataille. Taha Bouhafs devait se présenter à Venissieux et c’est Jean-Luc Mélenchon qui aurait choisi la circonscription. Mais un scandale de violence et d’harcèlement sexuel est venu brisé les ambitions du jeune homme.
Nouvelle Union Populaire : Tout tourne (mal) autour de lui
Même avant l’explosion du Bouhafs Gate et les histoires d’harcèlement sexuel, le Parti Socialiste n’était pas « chaud » pour se joindre à Jean-Luc Mélenchon. Notamment pour la question européenne, mais le débat s’est finalement reporté vers Taha Bouhafs. Faut-il suivre un parti qui veut investir le jeune militant à Vénissieux ? Les plateaux TV ont tourné cela au débat, sans que le principal intéressé ne soit invité. Au Parti communiste, même son de cloche. Selon l’AFP, le secrétaire national Fabien Roussel souhaite que LFI revoit la candidature de Taha Bouhafs. « Je ne comprends pas que La France insoumise puisse présenter quelqu’un sous ses couleurs qui a été condamné en première instance pour injures raciales ». Non seulement, Taha Bouhafs a en effet été condamné pour injure raciale, mais une affaire d’harcèlement sexuel vient aussi rajouter du souffre dans son CV.
Le secrétaire national du PCF Fabien Roussel a demandé à La France insoumise de "revoir" la candidature du journaliste militant Taha Bouhafs aux législatives à Vénissieux (Rhône) pour "créer les conditions de gagner" dans cette circonscription #AFP pic.twitter.com/ZVZ1kN5gio
— Agence France-Presse (@afpfr) May 9, 2022
Taha Bouhafs, accusé d’harcèlement sexuel : Le #bouhafsgate
Si la gauche socialiste et les communistes ont rejoint Jean-Luc Mélenchon sur la pointe des pieds, ils risquent d’être encore plus discrets depuis ce Bouhafs Gate. En effet, Taha Bouhafs serait impliqué dans des faits d’harcèlements sexuels, sans que les victimes aient encore porté plainte. Seul problème, si l’affaire a éclaté le 11 mai, le parti de La France Insoumise aurait mené une enquête interne sur cette histoire depuis le 2 mai. Est-ce que Jean-Luc Mélenchon était au courant ? Est-ce que les cadres de LFI étaient au fait de ces rumeurs d’harcèlement sexuel concernant Taha Bouhafs ? D’après le journal Le Monde, des cadres sont informés depuis le 2 mai et les journalistes posent forcement la question. Pourquoi faire une enquête interne sur une probable histoire d’harcèlement sexuel et, en même temps, continuer de défendre Taha Bouhafs sur les plateaux TV ? La France Insoumise de Jean-Luc Mélenchon était parti sur les chapeaux de roues, elle vient de faire fausse route.
Affaire Taha Bouhafs : Clémentine Autain et LFI rament !
Comment la LFI va se sortir de cette affaire d’harcèlement sexuel, juste avant les législatives ? Alexis Corbière ou encore Clémentine Autain ont tenté d’éteindre le feu, mais a aussi donné des éléments sur les accusations et les faits. D’après les premiers éléments, La France Insoumise aurait reçu des « alertes » en interne, des signalements graves sur le comportement de Taha Bouhafs. Il y aurait eu en tout trois plaignantes. Clémentine Autain a indiqué à Mediapart que les femmes qui ont signalé son comportement en interne n’ont pas porté plainte, car elle ne voulaient pas participer au racisme ambiant porté autour de Taha Bouhafs. Accusée d’avoir protégé Taha Bouhafs pendant plus d’une semaine, Clémentine Autain a essayé de se défendre sur BFMTV.
Clémentine Autain (@Clem_Autain): "Nous n'avons pas eu de volonté politique de protéger Taha Bouhafs" pic.twitter.com/zJpv2DnZ0u
— BFMTV (@BFMTV) May 15, 2022
Législative : la gauche en crise à cause du Bouhafs Gate
Durant les législatives, on assiste à des parachutage, des surprises, des nouveaux visages et une assemblée plus ou moins renouvelée. En 2017, LFI avait remporté dix-sept places, mais les députés se sont montrés combatifs durant les débats sur la pass-vaccinal. Malgré le nombre, ils ont représenté une vrai force d’opposition, contrairement aux LR et leur 101 sièges. Le Républicains étaient déjà déchirés entre le centre et la droite souverainiste, et ont approuvé dans les grandes lignes la politique globale de la majorité LREM.
Mais le Bouhafs Gate vient tout changer, tout basculer, tout exploser ! Taha Bouhafs était le visage d’une nouvelle gauche. Une gauche urbaine qui parle aux banlieues et à ce que l’on appelle désormais « les minorités ». Une gauche qui devait être représentée à l’assemblée ? Sa carrière politique semble aussi vite commencée que compromise, voire terminée.
Fabien, 34 ans, né en Lorraine. Diplômé d’un Master Politiques Publiques à Sciences-Po. Traite l’actualité sociale au sens large. Je ne rate aucun débat politique depuis 2002.