Le politologue et militant Thomas Guénolé ne serait favorable à une destruction de la basilique du Sacré-Cœur. Cette déclaration, qui semble audacieuse voire choquante pour certains, a soulevé des questions profondes sur la symbolique de ce monument emblématique de Paris. Mais au-delà du choc initial, Thomas Guénolé soulève des problématiques historiques et mémorielles qui interrogent sur la place de certains symboles dans notre société contemporaine.
Thomas Guénolé : Pourquoi le Sacré-Cœur doit-il être rasé ?
Selon Thomas Guénolé pour qui la basilique du Sacré-Cœur devrait être rasée : « Je suis pour raser la Basilique du Sacré-Cœur », la basilique du Sacré-Cœur érigée au sommet de la butte Montmartre, incarne un symbole profondément réactionnaire.
Construite dans un contexte postérieur à la Commune de Paris, cette basilique a pour lui un lien direct avec la répression des communards. Ces derniers, insurgés en 1871 contre le gouvernement versaillais, ont été sévèrement réprimés, certains fusillés, d’autres déportés en Nouvelle-Calédonie.
Thomas Guénolé rappelle que le choix de Montmartre pour ériger ce monument n’est pas anodin. Montmartre était un bastion de l’insurrection, et ériger un édifice religieux en ce lieu revient, pour lui, à une provocation à l’encontre des valeurs anticléricales et anarchistes portées par la Commune.
Il va même jusqu’à comparer ce choix à la construction d’un monument anti-Révolution française place de la Bastille, un acte qui serait perçu comme une insulte à la mémoire révolutionnaire.
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La basilique du Sacré-Cœur : Un symbole d’ordre moral ?
Derrière la polémique se cache une vision plus large de la France post-Commune. Le Sacré-Cœur aurait été conçu comme un symbole de « l’ordre moral », une réponse conservatrice à la chute du Second Empire et aux mouvements révolutionnaires qui ont ébranlé le pays.
Pour Thomas Guénolé, la basilique devient ainsi un monument à la gloire de la réaction et de la répression des idéaux progressistes incarnés par la Commune de Paris. Il ne s’agit pas seulement d’un débat architectural ou esthétique.
Thomas Guénolé avoue, certes, ne pas aimer la basilique du Sacré-Cœur d’un point de vue esthétique, il la qualifie d’ailleurs même de « grosse meringue », mais son propos va bien au-delà de l’aspect visuel du bâtiment.
Pour lui, le Sacré-Cœur symbolise une certaine idée de la France, conservatrice et autoritaire, que beaucoup de Parisiens et d’historiens associent à une époque de répression sociale et politique.
Détruire des monuments pour expurger le passé : une idée « wokiste » ?
La déclaration de Thomas Guénolé a rapidement été récupérée par certains critiques, qui l’accusent de vouloir s’inscrire dans une mouvance « wokiste » qui vise à réécrire l’histoire en supprimant les symboles du passé. Face à ces accusations, l’intellectuel balaie ces critiques d’un revers de main.
Pour lui, la question ne se résume pas à des étiquettes ou des anathèmes. Le débat sur le Sacré-Cœur, selon Thomas Guénolé, doit avant tout se concentrer sur la signification historique et mémorielle du monument.
Loin d’appeler à une destruction pure et simple du Sacré-Cœur, Thomas Guénolé propose un compromis : transformer une partie de la basilique en un musée dédié aux communards.
Ce geste, selon lui, permettrait une réconciliation nationale, en reconnaissant le rôle des communards dans l’histoire de France, tout en préservant le monument pour ceux qui y attachent une valeur religieuse ou architecturale.
Thomas Guénolé : un christianophobe ?
Face à la virulence des réactions, certains ont accusé Thomas Guénolé d’alimenter un climat de christianophobie. Cette accusation, fréquente dans les débats sur la laïcité en France, semble, selon Thomas Guénolé, totalement infondée.
Il considère ces critiques comme venant de « pharisiens », c’est-à-dire de personnes attachées aux aspects ostentatoires de la foi plutôt qu’à son contenu véritable.
Pour lui, ceux qui défendent le Sacré-Cœur tout en menant des politiques contraires aux enseignements de Jésus, notamment envers les migrants, sont en contradiction totale avec les valeurs chrétiennes.
Le politologue se défend donc de toute hostilité envers le christianisme en tant que religion. Il critique davantage l’instrumentalisation politique de la foi par certains mouvements conservateurs.
Pour Thomas Guénolé, le véritable christianisme devrait se concentrer sur les valeurs d’accueil et de solidarité, et non sur la défense d’un monument qu’il perçoit comme une insulte à la mémoire des communards.
Thomas Guénolé : Une réflexion sur les symboles et l’identité nationale
Cette controverse autour du Sacré-Cœur qui doit être rasé s’inscrit dans un débat plus vaste sur les enjeux mémoriels en France. Thomas Guénolé observe une crispation grandissante autour des questions de mémoire collective et d’identité nationale.
Selon lui, il est essentiel de réévaluer certains symboles historiques pour mieux correspondre à la réalité contemporaine. À ce titre, il propose de repenser le calendrier des jours fériés en France.
Pour lui, les fêtes chrétiennes, qui continuent de structurer le calendrier malgré la laïcité de la République, ne correspondent plus à la réalité religieuse du pays. Il propose ainsi de remplacer certains jours fériés chrétiens par des fêtes républicaines, comme le 21 avril pour célébrer l’obtention du droit de vote des femmes en 1944.
Cette proposition, qui pourrait être perçue comme iconoclaste, s’inscrit dans une volonté de moderniser la société française et de rendre hommage aux luttes sociales et politiques qui ont marqué l’histoire récente du pays.
Thomas Guénolé : un intellectuel engagé
Les prises de position de Thomas Guénolé ne sont pas nouvelles. Cet intellectuel, politologue et militant, est depuis longtemps engagé dans des débats critiques sur la mondialisation, la xénophobie et la montée de l’extrême droite.
Proche de Jean-Louis Borloo dans les années 2010, il a ensuite rejoint le mouvement de La France Insoumise, avant de s’en éloigner en 2019. Ses travaux, notamment son livre Antisocial, montrent son opposition au démantèlement du modèle de solidarité sociale en France.
Dans ses interventions publiques, Thomas Guénolé cherche à stimuler le débat d’idées, même au risque de provoquer la controverse. Ses déclarations sur le Sacré-Cœur s’inscrivent dans cette logique : interpeller sur le rôle des symboles dans notre société et sur la manière dont ils façonnent notre mémoire collective.
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Un débat nécessaire sur la mémoire collective
La polémique autour des propos de Thomas Guénolé sur la nécessité de raser la basilique du Sacré-Cœur révèle un débat plus profond sur la manière dont la France gère son héritage historique et ses symboles.
Le Sacré-Cœur, au-delà de sa valeur religieuse ou architecturale, devient ici le point de départ d’une réflexion plus large sur la mémoire des luttes sociales et la place des monuments dans notre société contemporaine.
Que l’on soit d’accord ou non avec ses propositions, Thomas Guénolé a le mérite de poser des questions importantes sur l’évolution de notre patrimoine et de notre identité collective.
Fabien, 34 ans, né en Lorraine. Diplômé d’un Master Politiques Publiques à Sciences-Po. Traite l’actualité sociale au sens large. Je ne rate aucun débat politique depuis 2002.